J’exhume une chronique de 2020, alors une lecture dans le cadre du #PIF2020, et qui correspondait au défi de lire une auteure francophone, mais pas de nationalité française. Ce nom avait été cité plusieurs fois et le résumé est accrocheur, d’autant plus qu’il s’agissait d’un classique à découvrir. A l’époque, il est sorti chez Mnémos (j’adore le travail éditorial de leurs éditions) et est depuis sorti en poche chez FolioSF : il a donc toute sa place sur le blog.
L’histoire prend place dans un futur post apocalyptique, sur un continent que l’on devine être l’Europe. Plusieurs ères se sont déroulées, la technologie a très largement régressé, une partie des connaissances a disparu et se retrouvent mêlée à des mythes. La majorité des territoires – les mauterres – est impropre à la vie et très dangereuse. Enfin, l’humanité en elle-même a muté, avec plusieurs conséquences mettant en danger sa survie. Durant l’enfance, une partie des enfants est atteinte d’une maladie fréquemment fatale ; ceux qui survivent développent par contre des capacités supplémentaires, d’empathie notamment (attention, on est pas dans X-men…). Mais surtout, il y a très peu de naissances de mâles, ce qui implique un déséquilibre très fort du ratio des sexes et met l’espère humaine en danger. On le devine donc au titre, l’auteure nous décrit une société matriarcale.
C’est dans ce contexte que nous suivons la vie de Lisbeï qui grandit dans une des cités les plus conservatrices. Ce choix de lieu de départ puis les retournements de situation permettent à l’auteure de nous faire découvrir cet univers au même rythme que l’héroïne. Comme elle, nous sommes enfant au début, dans un monde clos et réduit, sans connaissances du monde qui l’entoure. Puis, au fur et à mesure où elle grandit, puis voyage, le continent s’offre à elle et à nous, ainsi que les problématiques liées aux enjeux des naissances et des sexes. Le livre prend également un forme épistolaire, pour multiplier les points de vue et aussi de journal, plus propice à l’interrogation et l’introspection. Fond et forme s’imbriquent parfaitement et Elisabeth Vonarburg a une parfaite maitrise de la langue.
D’ailleurs, cette langue permet d’approfondir la réflexion. En effet, le langage est un reflet social (les débats passionnés sur l’écriture inclusive en est la preuve…) et l’auteure l’a donc adaptée à son récit. Le féminin l’emporte, jument devient chevale… Cela ancre encore davantage la crédibilité du récit. Certains hurleront stupidement à l’utopie misandre. Ce n’en est pas une. D’une part, le roman n’a rien d’utopique : la société décrite n’est guère enviable car elle se bat pour simplement survivre et les femmes décrites ne sont pas parfaites. Certaines familles de femmes décrites sont extrêmement réactionnaires, bigotes mêmes, et l’héroïne elle-même hérite (le mot est important) de préjugés très nombreux sur les hommes (les mâles) qu’elle ne connait pas, pour ne les avoir que peu côtoyés, dans une société où ils ont un rôle de semencier. Le livre est par contre féministe. Ce retournement de situation permettra au lecteurs de se mettre à la place de… La préface de Jeanne-A Debats est d’ailleurs simplement brillante. Un moment d’empathie jamais inutile.
Vous aimerez si vous aimez la SF intimiste, qui pousse à la réflexion ; un roman majeur et nécessaire.
Les +
- La maîtrise absolue de l’écriture
- Un roman qui ne tombe pas dans le travers de l’utopie idiote
- Le cadre du Pays de Mères, fouillé et crédible
- Le travail des éditions Mnémos
Les –
- C’est lent (si vous chercher de l’action, passez votre chemin)
- Ardu
Résumé éditeur
Sur une Terre dévastée, les hommes sont devenus rares, un virus déséquilibrant les naissances. Le Pays des Mères a toutefois pu s’établir en ayant recours à l’insémination artificielle.
La jeune Lisbeï se pense promise au titre de « Mère », jusqu’au jour où elle apprend sa stérilité. Loin de chez elle, devenue « exploratrice », elle accomplira l’un de ses rêves les plus chers : découvrir les secrets du lointain passé du Pays des Mères.
Chroniques du pays des mères de Élisabeth Vonarburg, couverture d’Aurélien Police, aux éditions FolioSF (2021, première sortie chez Mnémos en 2019), 784 pages.

Comme toi j’aime beaucoup le travail de Mnemos et notamment leur remise en avant de textes essentiels comme celui-ci.
J’avais aussi adoré ma lecture et toutes les réflexions qu’elle me poussait à avoir.
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Oui, de beaux classiques avec tout le travail éditorial qui va bien. Mais j’en ai encore plusieurs non lus qui traînent dans ma biblio : la densité les rend intimidants 😅
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Et moi plusieurs à acheter parce que tu as raison ils sont intimidants et on repousse d’autant l’expérience, ce qui est dommage 😅
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Il est dans ma PAL depuis un bon moment, je pense que le côté lent justement freine un peu mon envie de me plonger dedans. Je vais certainement me lancer pendant une periode de congés où justement le but est de prendre son temps. Merci pour cette chronique
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Oui il faut avoir du temps à lui consacrer mais je pense que le jeu en vaut la chandelle 😉
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Un texte vraiment excellent, c’est bien qu’il ressorte en poche !
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Le genre de livre qui pour moi devrait toujours être imprimé 😉
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Je l’ai lu quand il est sorti ! Une vision féminine de la société après la chaos avec tous les paradoxes que cela comprend également… j’ai beaucoup aimé !
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À mettre entre toutes les mains 😁
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« roman majeur et nécessaire » : tout à fait d’accord !Je l’ai lu récemment en ebook et je l’ai acheté en format poche aussi, avec Silence de la cité, que j’aimerais lire prochainement aussi. C’est un texte intelligent, au propos toujours aussi pertinent, et comme tu le dis, qui ne tombe pas dans les travers de l’utopie bisounours manichéenne.
Quant à la préface, bienvenue, très bonne remise en perspective oui. Des propos jamais inutiles à rappeler.
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