La trilogie du samedi – Wayward Pines, Blake Crouch

Il y a un an, j’inaugurais une nouvelle rubrique nommée La trilogie du samedi (en référence aux soirées M6 de la fin des années 90) avec La trilogie d’une nuit d’hiver, présentée comme telle par l’autrice et l’éditeur. Véritable coup de cœur pour ce cycle de Fantasy, il m’en fallait un autre pour le deuxième billet de cette rubrique. Dans un genre pourtant très différent, Wayward Pines de Blake Crouch est une trilogie qui m’a également conquis, atteignant même le stade de l’addiction, avec une incapacité à reposer chaque tome tant qu’il n’était pas terminé.

Concernant cette formule de billet, vos retours étaient positifs ; aussi je garde la même structure pour présenter le cycle dans son intégralité, tout en évitant au maximum de spoiler : une présentation générale de la trilogie et de ses thèmes, l’articulation des tomes et, en guise de conclusion, l’intérêt général en tant que cycle, en toute subjectivité. Avec Wayward Pines, encore un modèle du genre à mon avis.

Wayward Pines est le lieu quasi unique de la trilogie. Il s’agit d’une petite bourgade, perdue entre flanc escarpé de montagne et forêt de conifères – l’illustration de couverture est particulièrement parlante – et que l’on pourrait qualifier de typique, avec ses maisons individuelles aux jardins soigneusement entretenus et réglementés, quelques commerces et services. Typique et même volontairement caricatural : ce genre de décor est souvent mis en récit, véritable obsession géographique de certains auteurs (King ou Bennett), propice à toutes les intrigues entre habitants faussement accueillants, soucieux d’un vernis social, dans un contexte quasi autarcique où tout se sait très vite. Les secrets, de l’anodin à l’ignobles, sont glissés sous les tapis ou dans les placards s’ils sont plus encombrants. Ici, le premier secret est d’abord de découvrir la raison de cet caricature. En tant qu’agent fédéral, Ethan Burke est l’élément déclencheur idéal pour briser ce vernis et remuer la poussière, ou la merde. Amnésique suite à un accident – mais en est-ce un ? – il doit reprendre les éléments qui l’ont mené dans cette ville, découvrir ce qui lui est arrivé, face à des autorités locales peu coopératives. Il ne s’agit pas d’un « simple » thriller, même si l’auteur en reprend de nombreux codes, version Hollywood – des producteurs ne s’y sont pas trompés en adaptant le premier tome en série : petit à petit, le mystère s’épaissit puis se lève, avec des éléments assez classiques, mais efficaces, de science-fiction.

Wayward Pines est une « vraie » trilogie, donc ni un roman coupé en trois volumes pour des raisons éditoriales ou trois tomes dans un même univers mais aux liens ténus. Chaque roman a sa propre unité, avec un dénouement et une ambiance particulière, dans l’esprit de la saga Alien par exemple. Chaque couverture ou titre est d’ailleurs révélateur de ces changements et des avancées de l’histoire, à la limite du spoiler (les sous-titres sont des ajouts, guère judicieux à mon sens, de la version Gallmeister). Si l’envie de tester vous titille, il est quasiment possible de se contenter du 1er : il y a une intrigue, une révélation finale qui clôt le mystère. Ainsi, pour quelqu’un qui aime surtout le thriller et une ambiance un peu oppressante, tout en étant allergique à des éléments relavant davantage de la SF, cela peut être un bon test. Les tomes 2 et 3 s’enchainent davantage, avec notamment des évènements qui se précipitent, et il me parait difficile de s’arrêter au deuxième. L’aspect enquête est beaucoup moins présent, de même que le mystère, et fait place davantage à l’action – mais il y en a aussi dans le premier – avec des moments que ne renieraient pas un John Mc Lane. Ethan Burke est un agent fédéral, doué pour les enquêtes, pugnace, mais aussi un dur à cuir, et heureusement. La trilogie se termine d’une manière convaincante, avec un dénouement très cohérent avec l’ensemble, tout en étant surprenant. Blake Crouch sait raconter des histoires.

Wayward Pines est une trilogie classique. Personnages aux profils familiers, à la limite de la caricature – parfois franchie quant à certaines protagonistes -, un décor qui parle, une intrigue globale qui paraitra peut-être déjà vue pour certaines et certains, et une construction qui reprend les recette du schéma narratif. Mais pourtant l’ensemble à parfaitement fonctionné avec moi, et encore davantage avec Josepha, ma binôme de lecture croisée, et qui a été incapable de m’attendre tant elle était happée. Le rythme est poussé, l’ambiance de mystère, puis de suspense et de survie, sont totalement prenants. Blake Crouch mène sa trilogie au pas de charge, sans temps morts et termine chaque chapitre sur un élément qui donne envie de se plonger immédiatement dans le suivant. Parfois, j’ai essayé de deviner un peu la suite, craignant même certaines longueurs ou situations qui m’auraient dérangées mais l’auteur sait surprendre, sans tomber dans la facilité ni trop s’appesantir. Et même s’il s’agit avant tout d’un thriller de SF un peu punchy, là aussi la facilité est évitée, avec de la nuance. Ethan Burke n’est pas un ange, c’est même parfois un sale type – humain en somme – qui doit faire des choix, arbitrer entre ce qui est bon pour lui, ses proches ou un entourage plus distant. Même si ça ne dure jamais longtemps, il doute et fait des erreurs, ce qui finit par le rendre attachant. Le secret dévoilé, même s’il est glaçant, n’est pas non plus totalement manichéen.

Wayward Pines n’est certes pas la trilogie qui va révolutionner le genre ou vous retourner le cerveau, mais c’est un texte très prenant, extrêmement bien construit. Blake Crouch sait écrire : c’est efficace, et ça, c’est déjà bien !

Vous aimerez si vous aimez les héros sauce hard boiled, confrontés à des conspirations qui les dépasse, mais qui ne baisse jamais les bras.

Les +

  • Un sens du rythme et du suspens évident
  • Des rebondissements
  • Une fin bien menée

Les –

  • Parfois un peu classique, voire caricatural

Résumé éditeur du premier tome

L’agent fédéral Ethan Burke reprend conscience, seul et blessé, en pleine rue à Wayward Pines, petite bourgade tranquille de l’Idaho. Partiellement amnésique, il se souvient être à la recherche de deux autres agents mystérieusement disparus dans la région. Il se rend vite compte qu’il n’a plus de papiers, ni de téléphone et, en dépit de ses efforts, il ne parvient à joindre ni sa femme, ni son supérieur, ni personne du monde extérieur. Il y a vraiment quelque chose de bizarre à Wayward Pines, comme chez ses habitants. Lorsqu’Ethan découvre le cadavre horriblement mutilé de l’un des agents qu’il recherchait, l’étrangeté cède la place à un danger mortel. C’est maintenant sûr, il y a quelque chose de pourri à Wayward Pines.

Wayward Pines : Révélation, Rébellion, Destruction de Blake Crouch, traduction de Patrick Imbert, illustrations des couvertures Mathieu Persan, aux éditions Gallmeister, collection Totem (parution vo en 2015, 2015 et 2016 – présente édition en 2024).

11 commentaires sur “La trilogie du samedi – Wayward Pines, Blake Crouch

Ajouter un commentaire

  1. toujours très rigolo et plaisant à lire les retours très différents des nôtres sur un bouquin. On se demande alors si on a lu le même ^^
    J’ai pris bien plus de plaisir à te lire qu’à lire les aventures du crétin héros de cette trilogie dont je n’ai pas dépassé le tome 1.

    J’ai tout détesté, pleinement et entièrement, jusqu’à l’écriture que j’ai trouvée plus que moyenne…
    Cela dit, je préfère détester un livre que le trouver moyen et l’oublier 😄

    Contente que tu aies apprécié ton voyage, et je confirme, chouette format les chroniques trilogie 🙂

    J’aime

    1. C’est vraiment écrit comme une série, avec les qualités et les défauts. Le suspense dans la suite relève plus des choix et des capacités de se sortir de ce merdier.
      Après, c’est une publication en littérature blanche, donc ceci explique peut-être cela.

      Aimé par 1 personne

    1. Je ne saurais pas te répondre. C’est assez délicat en plus ce genre de texte quand on a de la bouteille en SF. Partir peut-être sur le thème ou l’ambiance qui t’inspire ?
      Comment ça, j’aide pas ???

      J’aime

Répondre à Zoé prend la plume Annuler la réponse.

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑