Chronique – Le fini des mers, Gardner Dozois

Cette semaine sera consacrée à Gardner Dozois. Rédacteur du Asimov’s Science Fiction, il a surtout consacré sa vie à publier les textes d’autres auteurs et des nouvelles. En solo, il est l’auteur de « seulement » deux romans : Le fini des mers que je vous présente ici, un roman court (ou novella) et Etrangers dont je vous parlerai en fin de semaine. Voici donc une chronique publiée initialement sur Facebook le 10 janvier 2021, pour mon troisième UHL.

Un cadeau de Noël (merci Cécilia) pour une collection que j’envisage de… collectionner. Ce n’est peut-être pas le texte que j’aurais sélectionné en premier car je ne connais pas l’auteur et qu’il pourrait être considéré comme daté. J’ai donc découvert qui est Dovois, un texte universel, et encore une fois les talents de traducteur de Pierre-Paul Durastanti.

Cette novella est construite en alternant deux récits : l’arrivée de quatre vaisseaux extraterrestres, dont les propriétés défient toutes les lois de la physique ; et surtout l’histoire du jeune écolier Tommy. Le contexte est une uchronique, celui de la Guerre froide mais qui serait plus ou moins gérée ou surveillée par des IA qui communiquent entre elles (on en sait peu à ce sujet).

Mais c’est l’histoire de Tommy qui est le vrai cœur du sujet. C’est un gamin à l’imagination débordante, qui vit dans une région que l’on imagine comme un vieux littoral déclassé ou encore sauvage. Sa vie familiale est difficile dans un climat de violences conjugales, et il a tendance à flâner à l’instinct, rêvasser et donc arriver en retard à l’école, voire à sécher les cours. Le milieu scolaire n’est d’ailleurs pas plus bienveillant que le cocon familial. L’institutrice semble être un concentré de rigidité malveillante, et elle finit par envoyer Tommy chez le psychiatre scolaire.

« Il atteignit le sommet de la colline au moment précis où la scie s’arrêtait dans un concert de hoquets et de bafouillages, ne laissant subsister qu’un silence vibrant. Tommy se rendit compte qu’il était à court de flaques et se transforma sur-le-champ en un énorme char d’assaut, comme ceux qu’on montrait aux infos sur la guerre, un tank capable de rouler sur chenilles ou sur roues et de glisser sur coussin d’air en terrain difficile. Rugissant, changeant sans cesse de régime, il quitta la route de gravier pour l’épais bosquet. Il suivit le sentier à tombeau ouvert en abattant les sapins et en les écrasant sous ses chenilles afin de s’ouvrir un chemin. Il éprouva bientôt un malaise, toutefois, car il aimait les arbres. Il se dit qu’ils ne faisaient que se courber sous son poids et se redresser après son passage, mais ça ne collait pas. Il s’arrêta pour réfléchir. Un doux murmure imprégnait le bois, comme si tout y respirait avec calme, en rythme. Il eut l’impression qu’une énorme créature, verte et gentille, l’avait gobé, mais afin de l’abriter dans l’estomac. Même les jeunes arbres de repousse le surplombaient. Écoutant la forêt, il envisagea de s’enfoncer au cœur des bois pour parler aux thants, sauf qu’il n’irait jamais à l’école aujourd’hui s’il cédait à cette envie. »

En effet, le texte bascule parfois dans une sorte de fantastique onirique, ou même de Fantasy. Tommy voit et communique avec des créatures, les Autres, qu’il est désormais le seul à percevoir. Quand sa situation se complique, qu’il doit faire face à la réalité, à ses parents, à son institutrice, au psy, Tommy semble s’enfoncer davantage, fuir. En parallèle, la situation avec les extraterrestres semble s’aggraver. Et c’est là l’enjeu du récit. Qu’est-ce qui est réel ? Ne s’agit-il que de divagations d’un enfant perturbé ou d’une invasion mondiale. La construction maintient volontairement l’ambiguïté, avec de petits indices que l’on peut interpréter. Un très beau texte qui permet au lecteur de choisir

Vous aimerez si vous aimez les formats courts avec une ambiance mélancolique qui laisse le lecteur se faire sa propre histoire.

Les +

  • La construction des deux récits en parallèle
  • Ce pauvre Tommy
  • La couverture !!!
  • Et une traduction superbe

Les –

  • Peut être déroutant si vous aimez les récits démonstratifs

Résumé éditeur

Un jour, ils débarquèrent, comme tout le monde l’avait prévu. Tombés d’un ciel bleu candide par une froide et belle journée de novembre, ils étaient quatre, quatre vaisseaux extraterrestres à la dérive tels les premiers flocons de la neige qui menaçait depuis déjà une semaine. Le jour se levant sur le continent américain, c’est là qu’ils atterrirent : un dans la vallée du Delaware vingt-cinq kilomètres au nord de Philadelphie, un dans l’Ohio, un dans une région désolée du Colorado, et un (pour un motif inconnu) dans un champ de cannes des abords de Caracas, au Venezuela…

Le fini des mers de Gardner Dozois, traduction de Pierre-Paul Durastanti, couverture d’Aurélien Police, aux éditions Le Belial, collection Une Heure Lumière (2018, parution vo en 1973), 112 pages.

8 commentaires sur “Chronique – Le fini des mers, Gardner Dozois

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