Chronique – Terreur, Dan Simmons

Voici un billet publié initialement sur Facebook, en décembre 2019, et que j’exhume dans le cadre d’une semaine consacrée aux mythes froids. Je connaissais alors l’auteur pour son cycle devenu un classique, Hypérion et sa suite, Endymion. Terreur m’avait été conseillé dans le cadre du Cold Winter Challenge. Le résumé m’avait accroché : je l’ai donc acheté et lu immédiatement sans passer par la case PAL. Le bestiau est une brique dépassant les 1000 pages et comme je l’ai lu en 8 jour, on peut en déduire que j’ai aimé. Beaucoup même.

Concernant Simmons, de l’eau a coulé sous les ponts et j’ai découvert ses idées politiques inscrites à l’aide très à droite des Républicains US, au point d’hésiter à republier cette chronique. Pourtant, je n’ai pas perçu d’éléments rhétoriques qui m’auraient dérangé dans ce texte, qui mériterait, de fait, une relecture.

Simmons nous raconte le destin de deux navires, l’Erebus et le Terror qui partent explorer l’Arctique en 1845, dirigés par le capitaine Franklin (qui donne son nom à l’expédition). L’objectif du lord anglais était de découvrir le « passage du Nord-Ouest » afin de relier les océans Atlantique et Pacifique. Ce sont ces éléments historiques que l’auteur utilise pour nous conter son histoire. Il y a ajoute un élément fantastique à la fois pour « boucher les trous » – ou colmater les brèches si on file la métaphore maritime – et aussi pour créer une intrigue et une ambiance propre à son roman. Cela prend la forme d’un roman choral où l’on suit tour à tour plusieurs membres de l’équipage et en particulier le roturier Crozier, capitaine du Terror.

Terror est une réussite à tous les niveaux. Ce récit choral permet de donner de la profondeur et de multiplier les points de vue. Chaque personnage ajoute sa pierre à l’édifice de l’intrigue mais aussi de la vie à bord. On découvre donc par exemple le rôle du médecin – inutile de préciser qu’il est fondamental dans ce contexte – des officiers évidemment mais aussi des marins aux fonctions spécialisées comme le cuisinier, ou le gabier pour qui les cordages sont environnement quotidien. La création de nombreux personnages permet de se familiariser avec l’équipage, de s’attacher à eux et donc de susciter l’émotion quand ils leur arrivent des « péripéties ». En tant qu’auteur chevronné, Simmons s’en sert aussi pour créer le suspense et l’angoisse. Le changement de point de vue crée des effets de perception, de hors champs ou de cliffhanger qui sont autant de techniques efficaces d’écriture.

Enfin, le livre est bien écrit et traduit (bravo à Jean-Daniel Brèque). Simmons a fait un travail de documentation énorme sur la marine, l’Arctique, les Inuits et aussi sur l’expédition en elle-même. Le vocabulaire est très riche : tout le champ lexical du froid, de la glace, de la souffrance, du bruit et du silence y passe, ainsi que le vocabulaire de la navigation. Mais ça n’est jamais trop lourd, cela sert toujours à se mettre dans l’ambiance. On est littéralement avec l’équipage, on ressent son quotidien, on souffre avec lui. On tremble même d’avance – de peur et de froid – quand on réalise que les événements sont condamnés à empirer. Les menaces et les dangers s’accumulent : le froid, le manque, la bêtise de l’homme… tout ça incarné dans l’élément fantastique ajouté par l’auteur, d’abord diffus puis de plus en plus présent… Un tour de force : 1000 pages de huis-clos et d’attente, que l’on dévore pourtant littéralement. Un très gros coup de cœur.

Vous aimerez si vous aimez les histoires oppressantes, mais menées avec finesse sans effets wahoo ou gores inutiles. Prévoyez une petite laine et une tisane au jus de citron. Je ne serai pas responsable si vos dents se déchaussent et vos extrémités noircissent.

Les +

  • L’écriture
  • La maîtrise du suspense
  • Une galerie énorme de personnages, tous reconnaissables !
  • La documentation et le réalisme

Les –

  • Certains pourraient trouver ça un peu lent…

Résumé éditeur

Le 19 mai 1845, le HMS Erebus et le HMS Terror quittent l’Angleterre sous les vivats de la foule. Avec ces navires, le vénérable sir John Franklin entend enfin percer le mythique passage du Nord-Ouest. Mais à l’enthousiasme succèdent bientôt la désillusion, puis le drame… Mal préparée, équipée et dirigée, l’expédition se retrouve prisonnière des glaces et de la nuit polaire. La mort frappe. La maladie se répand. La faim, la mutinerie et la folie couvent. Et rôde une mystérieuse et terrifiante créature, incarnation des peurs ancestrales de l’homme face aux éléments.

Le 19 mai 1845, cent vingt-neuf hommes partaient pour un voyage au bout de l’enfer blanc. Combien en reviendront vivants ?

Terreur de Dan Simmons, traduction de Jean-Daniel Brèque, couverture de François-Auguste Biard, aux éditions Pocket (parution vo en 2007 – présente édition en 2010), 1056 pages.

6 commentaires sur “Chronique – Terreur, Dan Simmons

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  1. Hypérion et mon roman de SF préféré, du coup forcément ce roman m’intéresse point cependant ayant vu la série télé et l’ayant encore bien en tête j’ai peur de ne pas ressentir tout ce que j’aimerais ressentir lors de ma lecture, donc malgré un avis des plus convaincant de ta part, je ne pense pas faire la découverte de suite.

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  2. Faudra que je relise pour la troisième fois Hyperion que je n’avais pas aimé les deux premières fois mais c’était au siècle dernier ! Mais je suis quasi sûr de ne pas lire celui-ci…

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