Chronique – Un Pont sur la brume, Kij Johnson

Chronique publiée initialement sur Facebook en décembre 2020. Une novella qui m’a été conseillée par Anne-Laure : voulant découvrir la collection aux sublimes couvertures, je lui avais demandé de me conseiller deux titres. Il s’agit donc de la seconde lecture, après l’excellent L’homme qui mis fin à l’histoire. Et je vais finir par croire que mes goûts sont assez transparents.

L’univers est très minimaliste, quelque part entre Fantasy et SF. Un empire coupé en deux par un fleuve de brume, dont le lit est peuplé de mystérieux géants. C’est tout et c’est tant mieux. Ici, point de vaste world building où la création d’un univers est parfois une fin en soi, aux détriments de l’intrigue ou des personnages ; mais un récit profond et intimiste.

C’est sur cette base que l’auteure nous livre son récit, ou même son conte. Le personnage principal est un architecte, Kit, chargé de construire un pont qui permettra de rendre plus facile les échanges entre les deux parties de l’Empire. Traditionnellement, le passage est assuré par des Passeurs, seuls capables de naviguer de manière presque sûre sur la Brume. Là encore, n’attendez pas une aventure échevelée ou un guerrier réglerait les problèmes à grands coups d’épée (remplacez guerrier & épée par tous les clichés qui métastasent dans les littératures de l’imaginaire). Il y a déjà un premier niveau de lecture sur la construction d’un ouvrage d’art. La responsabilité du contremaitre, ses relations avec les ouvriers, les inévitables accidents. On pense à tous les chantiers pharaoniques que nous ont laissé nos ancêtres… Les autres niveaux de lectures sont liés à la métaphore du pont : unir des espaces, franchir des difficultés, faire le lien entre tradition et modernité, entre les individus.

Une profonde mélancolie optimiste teinte ce livre. Notre héros doute, conscient de ses responsabilités à toutes les échelles. L’autre personnage important, celui de Rasali Bac, passeure, est écrit comme un contre-point (ou contrepoids si on file la métaphore architecturale). Elle représente une forme d’instinct, de savoir ancestral et hérité, menacé(e) de disparition, là où Kit incarne la rationalité, les sciences, le progrès. Pourtant ils ne s’opposent pas, au contraire même, et c’est peut-être le message le plus important du livre…

Vous aimerez si vous aimez les histoires à hauteur de femmes et d’hommes, optimistes, avec une portée (bis) qui dépasse la simple petite histoire.

Les +

  • L’écriture et l’ambiance
  • La justesse des personnages
  • L’universalisme du texte

Les –

  • Trop court, mais la justesse tient à la concision

Résumé éditeur

Kit Meinem d’Atyar est peut-être le plus doué des architectes de l’Empire. Peut-être… et tant mieux. Car il lui faudra convoquer toutes ses compétences, l’ensemble de son savoir pour mener à bien la plus fabuleuse qui soit, l’œuvre d’une vie: un pont sur le fleuve de brume qui de tout temps a coupé l’Empire en deux. Un ouvrage d’art de quatre cent mètres au-dessus de l’incommensurable, cette brume mortelle, insondable, corrosive et peuplée par les Géants, des créatures indicibles dont on ne sait qu’une chose : leur extrême dangerosité…
Par-delà le pont… l’abîme, et pour Kit une aventure humaine exceptionnelle.

Un Pont sur la brume de Kij Johnson, traduction de Sylvie Denis, couverture d’Aurélien Police, aux éditions Le Bélial, collection Une Heure Lumière (2016, parution VO en 2011), 136 pages.

Prix Nebula 2012 (novella), prix Hugo 2012 (novella), prix Asimov’s 2012, Grand prix de l’imaginaire 2017 (nouvelle étrangère)

11 commentaires sur “Chronique – Un Pont sur la brume, Kij Johnson

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  1. Je vais finir par monter une étagère pour cette collection, chacun de ses titres ou presque me tentant. La justesse du récit et ses différents niveaux de lecture métaphoriques me donnent envie de lui donner sa chance.

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  2. J’ose : c’est le meilleur UHL publié jusqu’ici. Et il peut même être une bonne porte d’entrée dans l’imaginaire tout court, au-delà de la découverte de la collection.

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